Proposition de Loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite :
Lutter contre les squatts et faciliter les expulsions locatives
Une proposition de Loi “visant à protéger les logements contre l’occupation illicite” a été présentée par M. Guillaume KASBARIAN, Mme Aurore BERGÉ, M. Laurent MARCANGELI, des membres du groupe Renaissance et apparentés et des membres du groupe Horizons et apparentés, députés.
Il s’agit de la proposition n° 360, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2022.
Le texte initial est consultable en cliquant ici.
Cette proposition de Loi vise à faciliter la mise en oeuvre des procédures d’expulsion de logements dans 2 cas précis : le squatt et l’expulsion locative.
Proposition de Loi contre les squatts et occupations illicites – Lutter contre les squatts :
Pour mieux réprimer les squatts, l’article 1er de cette proposition prévoit de modifier l’article 226-4 du Code Pénal, actuellement rédigé ainsi :
L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.
Ce texte serait ainsi modifié comme suit :
L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale et qu’il soit meublé ou non, à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.
Les modifications visent donc à mieux définir le délit de squatt en y ajoutant le fait de se maintenir dans les lieux et non plus la seule action de s’y introduire. Par ailleurs, il définit plus clairement la nature du domicile en visant clairement les cas des résidences secondaires, par exemple.
Toujours concernant les squatts, le projet de Loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite propose de modifier l’article 38 de la Loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.
Ce texte prévoit actuellement :
En cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.
La décision de mise en demeure est prise par le préfet dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. Seule la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa ou l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général peuvent amener le préfet à ne pas engager la mise en demeure. En cas de refus, les motifs de la décision sont, le cas échéant, communiqués sans délai au demandeur.
La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée à l’auteur de la demande.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement, sauf opposition de l’auteur de la demande dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure.
La proposition n°360 souhaite retoucher l’article de la façon suivante :
En cas d’introduction ou de maintien dans le domicile d’autrui, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, qu’il soit meublé ou non, à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.
La décision de mise en demeure est prise par le préfet dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. Seule la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa ou l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général peuvent amener le préfet à ne pas engager la mise en demeure. En cas de refus, les motifs de la décision sont, le cas échéant, communiqués sans délai au demandeur.
La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée à l’auteur de la demande.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement, sauf opposition de l’auteur de la demande dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure.
Il s’agit de mettre en adéquation la procédure dite d’évacuation des squatteurs avec le délit pénal.
Proposition de Loi contre les squatts et occupations illicites – Sécuriser les rapports locatifs
Dans un second chapitre, la proposition de loi n°360 déposée par les députés le 18 octobre 2022 prévoit :
Créer une infraction pénale en cas de refus de se soumettre à une décision judiciaire exécutoire prononçant l’expulsion.
Un nouvel article 315-1 serait créé au sein du Code Pénal, ainsi rédigé :
Art. 315-1. – L’occupation sans droit ni titre d’un logement appartenant à un tiers, lorsqu’elle se fait en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux, est punie de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende.
Concrètement, après signification par Commissaire de Justice de la décision prononçant l’expulsion, puis du commandement de quitter les lieux, le fait de se maintenir dans le logement serait constitutif d’un délit pénal.
Rendre obligatoire la clause résolutoire dans les contrats de location d’un logement d’habitation principale.
La proposition de loi souhaite modifier pour partie l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 en rendant obligatoire la clause résolutoire :
Le texte actuel :
I.-Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
Serait remplacé par :
I.-Tout contrat de bail d’habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
Par ailleurs, le paragraphe de l’article 24 relatif à la suspension de la clause résolutoire en cas de délais de paiement respectés serait littéralement supprimé :
VII.-Pendant le cours des délais accordés par le juge dans les conditions prévues aux V et VI du présent article, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges.
Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.
D’un point de vue procédural, toujours sur ce même article 24 de la loi du 6 juillet 1989, la proposition de loi souhaite faciliter l’action des bailleurs en réduisant de 2 à 1 mois le délai entre la notification de l’assignation au Préfet et l’audience devant le Juge des Contentieux de la Protection :
III.-A peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département au moins deux mois avant l’audience, afin qu’il saisisse l’organisme compétent désigné par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l’offre globale de services d’accompagnement vers et dans le logement prévue à l’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée. Cette notification s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa de l’article 7-2 de la même loi. La saisine de l’organisme mentionné à la première phrase du présent III peut s’effectuer par voie électronique, selon des modalités fixées par décret. L’organisme saisi réalise un diagnostic social et financier, selon des modalités et avec un contenu précisés par décret, au cours duquel le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations, et le transmet au juge avant l’audience, ainsi qu’à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ; le cas échéant, les observations écrites des intéressés sont jointes au diagnostic.
Nouvelle rédaction proposée :
III.-A peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département au moins unmois avant l’audience, afin qu’il saisisse l’organisme compétent désigné par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l’offre globale de services d’accompagnement vers et dans le logement prévue à l’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée. Cette notification s’effectue par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa de l’article 7-2 de la même loi. La saisine de l’organisme mentionné à la première phrase du présent III peut s’effectuer par voie électronique, selon des modalités fixées par décret. L’organisme saisi réalise un diagnostic social et financier, selon des modalités et avec un contenu précisés par décret, au cours duquel le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations, et le transmet au juge avant l’audience, ainsi qu’à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ; le cas échéant, les observations écrites des intéressés sont jointes au diagnostic.
Enfin, la proposition souhaite encadrer plus strictement la durée des délais pouvant être accordés par le Juge en modifiant l’article L.412-4 du Code des Procédures Civiles d’exécution.
Ce texte est actuellement rédigé ainsi :
La durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
Le délai serait, suivant la proposition, réduit à un an :
La durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
Cette Proposition de Loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite modifie-t-elle sensiblement le droit actuel ?
Les députés rappellent en préambule de leur proposition de Loi que le squatt est, à la fois violation de la sphère intime et une privation de l’usage de la propriété, et ressenti si fortement, par tous, comme une injustice criante.
Et d’ajouter concernant les expulsions locatives que “l’injustice peut aussi être celle du propriétaire qui voit son bien occupé par un locataire qui ne paie plus son loyer, refuse de se plier aux obligations prévues dans le contrat de bail qu’il a signé, et refuse de partir, avant de devoir lutter pendant des mois et des années pour récupérer son bien”.
A l’opposé des associations comme le DAL n’hésitent pas à prendre comme slogan que “Se loger n’est pas un crime”.
Que faut il penser de cette proposition de Loi contre les squatts et les occupations illicites au regard du droit actuel et des procédures menées par les Huissiers / Commissaires de Justice ?
Concernant les squatts ;
Les choses sont assez simple, la proposition de loi vise à mieux définir le squatt pour permettre une meilleure application de la procédure d’évacuation.
La procédure reste donc intacte en elle-même, telle que nous l’appliquons actuellement en assistant les propriétaires victimes de squatt.
Les sanctions pénales restent très théoriques en la matière.
Concernant les expulsions locatives :
La proposition de Loi contre les occupations illicite peut laisser penser à un durcissement des expulsions locatives, mais tout ceci est là encore très théorique au regard de la pratique des baux d’habitation et des procédures d’expulsion :
- rendre la clause résolutoire obligatoire dans les contrats de location, là où elle est déjà présente dans 99% des contrats en pratique, n’est pas une avancée, simplement cela vise à protéger les 1% de bailleurs qui ont pu commettre l’erreur d’imprimer un bail mal conçu ;
- permettre l’effectivité de cette clause résolutoire qui est trop souvent anéantie par des délais de paiement accordés judiciairement peut permettre aux bailleurs de récupérer leur bien plus rapidement ;
- durcir l’échelle de temps d’octroi de délais de paiement va dans le même sens de protection des bailleurs ;
- réduire de 2 mois à 1 mois avant l’audience la notification au Préfet de l’assignation est très théorique lorsqu’on sait que très peu de tribunaux sont capables de donner des dates à moins de 2 mois en raison de l’engorgement des juridictions (généralement entre 2 et 6 mois) ; la réduction à 1 mois de la notification n’aura donc aucun effet ;
- enfin, réprimer pénalement le maintien dans le logement par des locataires devenus sans titre relève de l’illusoire…
Cette proposition en revanche oublie d’aborder LE seul point de dénouement d’une procédure d’expulsion locative : le concours de force publique accordé par le Préfet à l’Huissier / Commissaire de justice. L’Etat est en effet le 1er acteur à bloquer et empêcher la réalisation des mesures d’expulsion en n’accordant pas les concours de force publique.
En conclusion, les propriétaires bailleurs ne doivent pas s’attendre à une révolution si jamais cette proposition de Loi devait aller à son terme.
A suivre durant le parcours législatif ce que ce texte deviendra…